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Les influenceurs dans le collimateur du fisc? Répercussion sur les droits sociaux

En cette période particulièrement aride et morose, certains tentent d’allier le ludique à l’économique. Dans l’ère du temps, les influenceur.se.s.

Rien n’échappe à nos gouvernants et, tout comme le secteur des B&B et autres plateformes de services, les influenceurs·ses risquent bien, à brève échéance, de se retrouver dans le collimateur du fisc, avec peut-être, des conséquences imprévues en matière de droits sociaux.

Notre attention a été attirée sur ce secteur, suite à la question de Monsieur le député Benoît Piedboeuf (du 14 janvier 2020), au Vice-premier ministre et ministre des Finances, chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, et ministre de la Coopération au développement:

 

 Impôt des personnes physiques. – Prestations des influenceurs.

Une société établie en Belgique possède plusieurs boutiques de vêtements. Elle fait appel à des influenceurs, qui ont un certain nombre de followers sur les réseaux sociaux, pour promouvoir la marque de vêtements commercialisée.

 En échange des prestations de services, la société leur laisse les vêtements pour lesquels ils font la promo.

 

  1. Quel est le régime fiscal (contributions directes et TVA) et social applicable aux prestations de ces influenceurs selon qu’ils aient un statut d’indépendant assujetti à la TVA ou de simple particulier?
  2. La même société veut que ses vendeurs/vendeuses en boutique portent les vêtements de la marque pendant les heures de travail, de même que l’ensemble du personnel administratif. Elle leur remet à chacun/chacune trois à quatre vêtements par saison, qui doivent rester en boutique ou au siège de la société en fin de journée.

 

Quel est le régime fiscal (contributions directes et TVA) et social applicable dans ce cas de figure? Peut-on considérer qu’il s’agit d’uniformes de travail?

Le Ministre des Finances a apporté la réponse suivante :

  1. En matière d’impôts sur les revenus

Les vêtements que les influenceurs reçoivent en contrepartie des prestations qu’ils effectuent pour le compte d’une société commercialisant des vêtements, constituent, au même titre que tous les articles, produits, marchandises, ou autres biens divers que ces influenceurs reçoivent dans le cadre des prestations qu’ils réalisent pour le compte des différentes entreprises faisant appel à leurs services, des avantages de toute nature obtenus en raison ou à l’occasion de l’exercice d’une activité professionnelle. De tels avantages doivent être considérés comme des profits visés aux articles 23, §1er, 2° et 27 du Code des impôts sur les revenus et sont, à ce titre, imposables.

  1. En matière de TVA

Les influenceurs effectuent des prestations de services qui leur confèrent la qualité d’assujetti à la TVA au sens de l’article 4 du Code de la TVA dans la mesure où ils effectuent ces prestations de manière habituelle.

Ils doivent en principe être identifiés à la TVA sous les régimes d’imposition normal, soumettre leurs prestations de service à la TVA, émettre des factures et déposer des déclarations périodiques.

Les influenceurs peuvent toutefois échapper à ces obligations en optant pour le régime de la franchise, pour autant que leur chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas 25.000€, ce qui implique toutefois de devoir renoncer à leur droit de déduction.

Le cas échéant, le preneur de services est alors chargé d’émettre les factures pour les prestations de services rendues par les influenceurs et acquitter la TVA dues sur ces prestations.[1]

Il semble toutefois primordial d’établir si l’influenceur fait de son activité un hobby ou une activité professionnelle principale.

Alexander Verleysen, Conseil fiscal DNF Belgium, professeur Fisc. Hogeschool [2] résume les deux cas de figure de la manière suivante :

 

Influenceur de type 1 : l’entrepreneur

Ce sont les personnes qui font de l’influencing leur unique activité (ou du moins, l’une de leur principale activité). Cela suppose des suiveurs en abondance, un vrai schéma avec les moments où une jolie photo doit paraître sur la toile, de nombreux liens d’affiliation, des produits qui sont envoyés gratuitement sans les demander, etc. Tous les revenus de cette activité professionnelle doivent dès lors être considérés comme un bénéfice et être soumis à l’IPP au taux progressif, avec déduction des frais professionnels (déduction forfaitaire ou non).

En règle générale, il n’y aura pas de distinction selon que les activités sont rémunérées en espèces ou en nature. L’influenceur devra s’enregistrer comme entreprise unipersonnelle (ou créer une société dans laquelle sont intégrées ses activités d’influencing) et aux fins de TVA et devra délivrer des factures pour les prestations qu’il fournit.

 

Influenceur de type 2 : le hobbyiste

La situation est différente si l’influencing est un hobby, qui est indépendant de la «vraie» activité professionnelle et génère plutôt des revenus occasionnels. Les critères pour que ceux-ci soient considérés comme revenus professionnels sont entre autres la nature et l’ampleur des revenus, le temps consacré, les frais, la présence d’un autre revenu (professionnel), etc. Le lien avec l’autre revenu professionnel est également important : dans le cas d’un expert en marketing qui gagne de l’argent avec un «hobby d’influenceur», le lien avec une activité professionnelle sera plus rapidement établi que s’il s’agit d’un ouvrier d’usine.

Influencing comme hobby : imposé ou non ?

 

Revenus divers ?

Si l’influencing ne constitue pas une activité professionnelle, le revenu pourrait être qualifié de revenu divers au sens de l’article 90 du CIR[3] 92 (voir aussi Com. IR 90/3). C’est ainsi que tous les bénéfices ou profits qui sont obtenus, même occasionnellement, en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle et qui ne résultent pas d’une gestion normale d’un patrimoine privé sont imposables en tant que revenus divers. Il faut bien entendu que l’influenceur perçoive une certaine valeur pour que l’on puisse parler d’un véritable revenu.

Le propos de cet article n’est pas tant de faire le point sur la qualification des revenus que pourrait en faire le fisc, mais d’attirer l’attention sur le risque encouru par l’influenceur·se en matière de droits sociaux.

Rappelons que tout revenu considéré comme professionnel par le fisc et qui ne serait pas issu d’un travail salarié ou d’une charge dans le secteur public, doit être considéré comme un revenu issu d’un travail indépendant.

Grâce à la question/réponse évoquée ci-dessus, on comprend qu’il n’est pas nécessaire de percevoir un revenu en cash pour que le fisc considère que le travailleur en retire un avantage financier. Il lui sera, certes, plus difficile de l’établir que si une société établit une fiche fiscale 281.50 au profit de l’influenceur·se. En effet, cette fiche est remise au travailleur, mais son double est transmis au fisc !

Cela implique que le fisc communique le montant de ce revenu à l’INASTI[4], afin d’opérer une éventuelle régularisation des cotisations sociales provisoires payées par le travailleur indépendant.
Cette démarche permet à l’INASTI de vérifier si le travailleur est bien inscrit comme travailleur indépendant.
Si ce n’est pas le cas, une enquête sera ouverte afin de vérifier si les critères du travail indépendant sont bien remplis ou s’il s’agit d’un travail occasionnel.

L’INASTI pourrait aussi décider d’une affiliation d’office, qu’il ne faut pas hésiter à contester si le travailleur estime ne pas remplir les critères du travailleur indépendant.

Toujours est-il que le travailleur ne sera averti que 2 ans après la perception des revenus !

En effet, pour une activité exercée en 2019, le fisc n’aura connaissance de l’activité qu’en 2020 et transmettra les infos à l’INASTI au plus tôt fin 2020.

Une qualification du travail indépendant rétroactive peut avoir des implications financières et sociales importantes.
L’affiliation implique que le travailleur devra s’acquitter de cotisations sociales, dans notre exemple pour 2019.

Le statut d’indépendant à titre principal viendra se superposer avec l’éventuel statut que le travailleur avait en 2019 : bénéficiaire d’allocations de chômage, d’indemnités d’incapacité de travail, du revenu d’intégration,…

Statut qui sera alors retiré au travailleur, qui risquera dès lors de devoir rembourser le revenu perçu pendant la période de requalification en travailleur indépendant.

 

[1] B.J.S. n°657 octobre 2020 – p. 12 www.lebulletin.be

[2] https://www.monastucesetconseils.be/2019-11/influenceur-comment-eviter-des-problemes-fiscaux-WAPPIMAR_EU03010401

[3] Code des Impôts sur les revenus 1992

[4] Institut National d’Assurances Sociales pour Travailleurs indépendants