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COVID-19 – Mise en chômage temporaire liée à la crise sanitaire et impacts en matière de licenciement, de vacances annuelles et de droit à la prime de fin d’année

Depuis le début des mesures de confinement prises dans le cadre de cette crise sanitaire sans précédent, très nombreux sont, malheureusement, les travailleurs qui ont été mis en chômage temporaire. Au plus fort du confinement, au mois d’avril, plus d’un million de travailleurs salariés ont été concernés[1] !

Même si l’on peut se réjouir du fait que notre système de sécurité sociale permet heureusement, et ce, contrairement à d’autres régions du monde, d’octroyer un revenu de remplacement aux travailleurs salariés privés de leur gagne-pain durant cette période de mise à l’arrêt forcé, on constate néanmoins qu’une partie de ceux-ci doit faire face à des difficultés financières parfois lourdes de conséquences.

L’allocation de chômage temporaire correspond effectivement à 70 % du salaire brut plafonné à un certain seuil, auquel s’ajoute en principe un supplément journalier de 5,63 euros. Mais les dépenses de base de ces travailleurs à l’arrêt n’ont pas diminué pour autant…

Moins réjouissant également, le constat fait depuis plusieurs semaines que certaines entreprises n’hésitent pas à licencier une partie de leurs travailleurs, profitant d’une particularité de notre législation qui est que le préavis notifié par un employeur peut s’écouler normalement pendant une période de chômage temporaire pour force majeure, avec pour conséquences des licenciements « financés » par notre système de sécurité sociale…

Le législateur est intervenu afin de répondre à ces abus, en adaptant les règles en matière de préavis.

Nous profiterons également de l’occasion pour relever une adaptation en faveur des travailleurs en matière de vacances annuelles.

Et évoquerons également, en cette année particulière, la question du droit à la prime de fin d’année.

 

1)  Impact en cas de licenciement : un frein à la vague de licenciement provoquée par la crise sanitaire… ?

On pouvait s’en douter, beaucoup d’entreprises confrontées à un arrêt ou à une forte diminution de leur activité, en lien avec la crise sanitaire, font le choix de licencier les travailleurs à qui elles estiment ne pas pouvoir assurer le travail ou le même volume de travail qu’avant la crise…

Ces décisions apparaissent comme inéluctables pour certaines entreprises, qui font donc le choix de licencier des travailleurs qui étaient déjà pour beaucoup en chômage temporaire depuis le début de la crise.

La réglementation en matière de contrat de travail fait en la matière une curieuse différence en matière d’impact du chômage temporaire sur l’écoulement du préavis, particulièrement favorable aux licenciements de travailleurs en chômage temporaire pour force majeure.

La loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail prévoit en effet qu’en cas de licenciement, le préavis notifié par l’employeur, est suspendu et donc prolongé, par toute une série d’événements, dont la maladie, les vacances annuelles et les périodes de chômage temporaire pour raisons économiques. Par contre, cette loi ne prévoit pas que le préavis notifié par l’employeur soit suspendu par les périodes de chômage temporaire pour force majeure[2].

Or, dans les faits, depuis le 13 mars 2020, toutes les situations de chômage temporaire liées au Coronavirus ont été traitées par l’ONEm comme des demandes de chômage temporaire pour force majeure. Cette option étant aussi bien à l’avantage des entreprises (procédure plus simple) qu’à celui des travailleurs (qui ne doivent pas remplir de condition de période minimale de travail pour se voir octroyer des allocations de chômage temporaire).

Et force a été de constater, ces dernières semaines, que certains employeurs y ont vu, de manière abusive, l’occasion de mettre fin « à bon compte » aux contrats de travail de certains de leurs travailleurs en chômage temporaire pour force majeure. L’avantage étant que le coût du licenciement s’avère en tout ou en partie à charge de la sécurité sociale, puisque pendant la durée du préavis notifié par l’employeur, ces travailleurs touchent des allocations de chômage temporaire en lieu et place d’un salaire ou d’une indemnité de rupture compensatoire à charge de l’employeur.

Répondant à l’appel du monde syndical, le législateur a, afin de limiter ces abus, décidé que la mise en chômage temporaire pour force majeure coronavirus ait, par analogie avec le chômage temporaire pour raisons économiques, également un effet suspensif sur le préavis donné par un employeur en cas de licenciement[3]. Et ceci, afin avant tout d’empêcher que le mécanisme du chômage temporaire serve à alléger le coût des licenciements.

Cette suspension ne s’applique toutefois que dans la mesure où le préavis a commencé à courir à partir du 1er mars 2020[4], et uniquement pour les jours de chômage temporaire postérieurs au 22 juin. Le 22 juin étant la date d’entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation.

En résumé :

  • si le délai de préavis a démarré avant le 1er mars 2020, alors il continue de courir pendant la période de chômage temporaire coronavirus ;
  • si le délai de préavis a pris fin avant le 22 juin, rien ne change. Le contrat reste rompu;
  • si le délai de préavis a démarré après le 1er mars 2020 et qu’il est toujours en cours à la date du 22 juin, les jours de chômage temporaire coronavirus postérieurs au 22 juin suspendent le délai de préavis. Et pour ce qui est des périodes de chômage temporaire coronavirus antérieures au 22 juin, elles n’ont pas cet effet suspensif.

 

Exemple : un employeur a mis un de ses travailleurs en chômage temporaire force majeure coronavirus depuis le 18 mars. Fin mai, il se rend compte que son activité ne reprend que très faiblement, et décide de se séparer de ce travailleur, qui en raison de son ancienneté, a droit à un préavis de 6 semaines, qui commence le lundi 8 juin. Concrètement, le préavis de ce travailleur a pu commencer à courir le 8 juin alors qu’il était en chômage temporaire force majeure. Par contre, les journées de chômage temporaire à partir du 22 juin interrompent le cours du préavis. Ce qui veut dire que les 4 semaines restantes du préavis ne pourront s’écouler tant que l’employeur ne permet pas à ce travailleur de reprendre effectivement du service. L’employeur peut bien sûr décider de payer des indemnités compensatoires de préavis pour les 4 semaines restantes. 

Relevons enfin que cet impact sur le préavis ne se joue qu’en cas de licenciement. En effet, si c’est le travailleur qui décide de démissionner parce qu’il a trouvé un autre emploi, son délai de préavis pourra commencer et s’écouler normalement pendant qu’il est en chômage temporaire. Toutefois, s’il doit commencer rapidement de l’autre côté, il aura intérêt à simplement demander à l’employeur de signer une rupture de commun accord.

Même si l’on peut se douter que cette mesure ne sera pas suffisante pour endiguer la vague de licenciement qui a commencé à déferler, elle devrait quand même avoir le mérite de pousser les employeurs à davantage réfléchir avant de prendre la décision radicale de se séparer de travailleurs, en ces temps particulièrement difficiles.

Le législateur aurait pu aller plus loin, en interdisant tous les licenciements en cette période de pandémie. Mais cette proposition n’a malheureusement pas rencontré l’unanimité…

 

2)  Impact sur les vacances annuelles 2021

Dans le système belge des vacances annuelles, le nombre de jours de vacances auquel on a droit est déterminé par le nombre de jours prestés l’année qui précède l’année de prise de vacances. Le droit aux congés payés en 2021 dépend donc des périodes de travail effectuées par le travailleur en 2020.

Quid lorsque le travailleur a connu des périodes de chômage temporaire ? La réglementation relative aux vacances annuelles permet d’assimiler à des journées de travail effectives et donc de prendre en compte pour l’octroi des congés pour l’année suivante, les périodes de chômage temporaire pour raisons économiques, mais pas les périodes de chômage temporaire pour force majeure.

Or, comme on l’a dit, depuis le début de la crise sanitaire, pratiquement toutes les demandes de chômage temporaire ont été traitées comme du chômage temporaire pour force majeure.

Comme il l’avait déjà fait notamment pour les périodes de chômage temporaire pour force majeure liées aux attentats terroristes de mars 2016, le législateur[5] a prévu une assimilation des périodes de chômage temporaire coronavirus pour la période comprise (jusqu’ici) entre le 1er mars et le 30 juin 2020, afin que les travailleurs (employés et ouvriers) déjà pénalisés par une diminution de leurs revenus pendant parfois de longs mois, ne soient pas en plus pénalisés en voyant leurs droits aux congés pour l’année suivante amputés en raison de ces périodes de mise à l’arrêt forcé.

Concrètement, cela veut donc dire que même si un travailleur a été mis en chômage temporaire force majeure coronavirus du 18 mars au 30 juin 2020, s’il a travaillé tout le reste de l’année, il aura quand même droit, en 2021, à l’équivalent de 4 semaines de congés payés.

 

3)  Impact sur le droit à la prime de fin d’année 2020 ?

Nous profitons de l’occasion pour en parler, parce que vous êtes plusieurs à nous avoir déjà posé la question : est-ce que j’aurai quand même droit à ma prime de fin d’année comme les autres années ?

« Le » législateur n’a pas pris position en la matière, pour une simple et bonne raison : la prime de fin d’année ne trouve pas sa source dans une loi générale, mais est généralement prévue dans des conventions collectives de travail prévues au niveau des secteurs d’activités.

Il faudra donc être attentif aux règles prévues au niveau de votre secteur d’activités.

A titre informatif par exemple, dans le secteur de l’Horeca (Commission paritaire 302), et l’on s’en réjouit étant donné que ce secteur a été particulièrement touché par la crise, les périodes de chômage temporaire force majeure coronavirus sont assimilées à des périodes de travail pour l’octroi de la prime de fin d’année 2020.

Espérons que tous les secteurs, si ce n’est pas déjà le cas à la base, prévoiront ce type d’assimilation.

Les conventions collectives de travail sectorielles établissant les primes de fin d’année sont consultables via le moteur de recherche du SPF Emploi, via l’onglet « Concertation sociale » :

 

[1] https://www.onem.be/fr/documentation/statistiques/chomage-temporaire-sui…

[2] Pour une explication de la différence entre les deux types de chômage temporaire, voir la feuille info T2 de l’ONEm, consultable via ce lien : https://www.onem.be/fr/documentation/feuille-info/t2

[3] Loi du 15 juin 2020 visant à suspendre les délais de préavis des congés donnés avant ou durant la période de suspension temporaire de l’exécution du contrat de travail pour cause de force majeure en raison de la crise du COVID-19, M.B. 22 juin 2020.

[4] Il est apparemment tenu compte de la date de début prévue et pas de la date de début effective. Ainsi par exemple, si un préavis qui devait commencer à courir le lundi 24 février, n’a finalement pu commencer que le lundi 2 mars, en raison du fait que le travailleur était en maladie du 24 février au 1er mars, on considère que ce préavis ne sera pas concerné par la suspension.

[5] Arrêté royal du 4 juin 2020 visant à assimiler les journées d’interruption de travail résultant du chômage temporaire pour cause de force majeure suite à la pandémie due au virus corona, dans le régime des vacances annuelles des travailleurs salariés, pour la période du 1er février 2020 jusqu’au 30 juin 2020 inclus, M.B. 5 juin 2020.